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La thérapie des schémas de Jeffrey Young

La thérapie des schémas développée par Jeffrey Young est une approche psychothérapeutique intégrative, fondée principalement sur la thérapie cognitivo-comportementale (TCC), tout en intégrant des éléments issus d’autres courants thérapeutiques. Elle s’appuie notamment sur la théorie de l’attachement (Bowlby), la gestalt-thérapie, la psychanalyse, l’analyse transactionnelle, ainsi que le rescripting développé par Mervin Smucker.

Cette thérapie a été conçue pour répondre aux situations cliniques complexes, en particulier les troubles de la personnalité, pour lesquels une approche centrée uniquement sur le présent s’avère souvent insuffisante.

Les schémas précoces inadaptés

Jeffrey Young postule l’existence de 18 schémas précoces inadaptés, qui se développent durant l’enfance dans un environnement émotionnellement carencé ou problématique. L’enfant, n’ayant ni les ressources cognitives ni les moyens de se protéger, élabore ces schémas pour survivre psychiquement. Si ces schémas persistent à l’âge adulte de manière rigide, ils deviennent sources de souffrance — pour la personne elle-même ou pour son entourage.

Un schéma peut être compris comme une croyance implicite et généralisée, souvent formulable sous forme de règle intérieure impérative, qui influence la manière de se percevoir soi-même, les autres et le monde.

Les 5 domaines de schémas selon Young

Les 18 schémas sont regroupés en 5 grands domaines :

  1. Déconnexion et rejet

    • Abandon / Instabilité
      Peur que les personnes importantes vous quittent ou deviennent imprévisibles.

    • Méfiance / Abus
      Croyance que les autres vont vous faire du mal, vous trahir ou vous manipuler.

    • Carence affective
      Sentiment de ne pas recevoir suffisamment d’amour, de soutien ou d’attention.

    • Imperfection / Honte
      Conviction profonde d’être défectueux, sans valeur, ou indigne d’amour.

    • Isolement social / Exclusion
      Impression de ne pas appartenir, d’être différent ou rejeté par les autres.

  2. Manque d’autonomie et de performance

    • Dépendance / Incompétence
      Croyance que l’on ne peut pas se débrouiller seul face aux tâches de la vie quotidienne.

    • Vulnérabilité au danger
      Peur excessive que des catastrophes (maladies, accidents, crises) surviennent.

    • Relation fusionnelle / Soi sous-développé
      Difficulté à se sentir une personne distincte des autres, souvent lié à une fusion émotionnelle (souvent avec un parent).

    • Échec
      Conviction d’être fondamentalement incapable, stupide ou voué à l’échec.

  3. Orientation excessive vers les autres

    • Assujettissement
      Tendance à se soumettre aux autres pour éviter les conflits ou le rejet.

    • Sacrifice de soi
      Tendance à répondre aux besoins des autres au détriment des siens, par culpabilité ou sens du devoir.

    • Recherche d’approbation / Reconnaissance
      Besoin excessif d’être approuvé, admiré ou reconnu par les autres pour se sentir valable.

  4. Hypercontrôle et inhibition

    • Négativisme / Pessimisme
      Focalisation excessive sur les aspects négatifs de la vie, avec difficulté à ressentir de la joie ou de la gratitude.

    • Inhibition émotionnelle
      Difficulté à ressentir et à exprimer ses émotions, ses besoins ou ses opinions par peur du rejet ou du jugement.

    • Exigences élevées / Hypercritique
      Tendance à se fixer des standards irréalistes, avec peur constante de ne pas être à la hauteur.

    • Punition
      Croyance que les erreurs doivent être sévèrement punies, sans place pour la compréhension ou le pardon.

  5. Manque de limites

    • Droit personnel / Grandiosité
      Se sentir au-dessus des règles, avec tendance à exiger un traitement spécial.

    • Manque d’autocontrôle / Discipline
      Difficulté à tolérer la frustration ou à respecter des objectifs à long terme ; impulsivité, procrastination.

Fonctionnement des schémas

Ces schémas génèrent :

  • des pensées automatiques négatives et des distorsions cognitives

  • des émotions intenses,

  • des réactions corporelles,

  • des mécanismes de défense d’évitement : par exemple éviter les relations affectives pour ne pas être abandonné dans le schéma d’abandon,

  • des mécanismes de capitulation : se rendre, ne pas se défendre contre le schéma et se victimiser,

  • des mécanismes de contre-attaque : faire le contraire du schéma par exemple quitter les autres avant d’être quitté dans le schéma d’abandon.

On distingue deux grands types de schémas :

  • Les schémas inconditionnels, formés dès la petite enfance, profondément enracinés et résistants à l’épreuve de la réalité. Les schémas du domaine déconnexion et rejet en font fréquemment partie.

  • Les schémas conditionnels, qui se développent plus tardivement comme des stratégies de défense pour compenser ou masquer la douleur associée aux schémas inconditionnels. Exemple : Le schéma inconditionnel d’imperfection (« je suis nul·le », « je n’ai aucune valeur ») peut être compensé par un schéma conditionnel d’exigences élevées (« je dois tout faire parfaitement », « ce que je fais n’est jamais suffisant »).

Maintien des schémas :

  • Les schémas de maintiennent en place par distorsions cognitives, par exemple lorsque survient un événement positif qui contredit le schéma dans la réalité, il est minimisé, attribué à la chance et considéré comme exceptionnel,

  • Les schémas se maintiennent par les comportements de compensation inadaptés comme l’évitement, la capitulation et la contre-attaque.

 

Les « modes » en thérapie des schémas

Jeffrey Young a aussi introduit le concept de modes, qui sont les états émotionnels ou les « parties » d’une personne qui s’activent dans certaines situations.
Exemples :

  • L’enfant vulnérable : ressenti de tristesse, solitude ou peur.

  • Le parent punitif : voix critique intériorisée.

  • L’adulte sain : partie qui peut prendre soin de soi, poser des limites, faire des choix équilibrés.

Le travail thérapeutique vise à renforcer l’adulte sain et à réconforter ou protéger les parties blessées, tout en modérant les modes dysfonctionnels.

Méthodes utilisées

La thérapie des schémas combine plusieurs techniques :

  • Cognitives : remise en question des croyances erronées avec les techniques cognitives classique ou au travers de la technique des chaises le patient joue le rôle du schéma, puis change de chaise et joue le rôle de l’adulte sain,

  • Émotionnelles : travail sur les souvenirs, imagerie guidée avec le reparentage qui consiste à imaginer que l’adulte sain actuel vient satisfaire les besoins de l’enfant en souffrance.

  • Comportementales : nouveaux comportements, affirmation de soi,

  • Relationnelles : réparation émotionnelle dans la relation thérapeutique.

En résumé

La thérapie des schémas :

  • Vise à soigner les blessures émotionnelles profondes

  • Permet de mieux comprendre les répétitions négatives dans les relations et les comportements

  • Aide à changer en profondeur, pas seulement en surface

  • Est particulièrement utile pour les personnes ayant une histoire de souffrance émotionnelle ancienne ou chronique